Exactement comme l'année précédente, Lilith s'éclipsa du château juste après le repas du midi. Les élèves étaient trop occupés, de toute façon, à se diriger vers leur cours pour remarquer la silhouette enveloppée dans sa cape verte qui sortait de l'enceinte de l'école. Encore cette année, Dumbledore avait essayer de la convaincre de prendre une calèche pour la mener à l'extérieur mais elle avait refuser catégoriquement. Elle préférait marcher à s'en user les pieds que de voir les horribles chevaux noirs qui lui rappelaient trop amèrement ce qu'elle avait perdu. Il faisait presque anormalement chaud pour le mois de septembre, Lilith sentait ses cheveux collés à sa nuque mais elle gardait obstinément son capuchon rabattu, du moins jusqu'à ce qu'elle atteigne les rempart de l'école. Ça faisait partie de toute sa petite masquarade maintenant. Elle qui travaillait déjà fort pour avoir une certaine réputation depuis des années avait dût augmenter encore d'un cran tous ses efforts. Camoufler le fait qu'elle quittait l'école plusieurs jours par semaine s'était avéré plus facile qu'elle ne le croyait, au final. Il lui suffisait seulement de s'isoler encore plus, ce qui n'était pas un problèmes et de prendre l'habitude de ne se présenter que rarement aux repas pour que les gens croient simplement que c'était une espèce de folle qui s'enfermait dans sa tour et personne ne voulait vraiment découvrir ce qu'elle y faisait. Personne d'autre que le directeur ne savait ce qu'elle faisait vraiment.

La voyante ne put s'empêcher de sourire lorsqu'elle se retrouva finalement de l'autre côté des sorts de protections du château. Depuis le début de la semaine, c'est la seule pensée de ce moment qui l'avait poussée à avancer, qui l'avait empêcher de s'exaspérer de ses élèves qui prenaient encore et toujours son cours comme un farce, c'était en pensant à ce qui l'attendait à l'extérieur des murs de l'école qu'elle s'endormait. Sans plus attendre, elle transplanna, mais cette fois elle décida de faire un petit arrêt avant. Dans un énorme crac sonore, elle apparut derrière le salon de thé de madame Piedodu. L'odeur envoûtante des nombreuses infusions fut presque assez forte pour attirer la sorcière dans l'établissement mais elle prit la direction opposée. Elle n'avait que rarement mis les pieds chez Honeyduke et fut presque surprise et aveuglée par toutes les couleurs et les odeurs de la boutique quand elle entra. C'était à en faire tourner la tête. Elle mit un petit moment avant de trouver l'étalage des dragés surprises de Bertie Crochu. Elle trouvait les sucreries infectes, et même si personne ne les mangerait, elle en acheta une boîte pour Katharine qui adorait utiliser les dragées comme jouets. Elle les classaient, par couleur, par grandeur, faisait des constructions avec et une boîte pouvait facilement la distraire pendant des heures. Et il n'y avait rien que miss Sommers n'aimait plus que de voir ce grand sourire sur le visage de la petite, même ça lui coûtait une boîte de sucreries infectes.

Elle paya rapidement la jeune sorcière beaucoup trop souriante à la caisse et se dirigea vers la sortie, son petit butin dans les mains. Alors qu'elle sortait, une vieille sorcière qui aurait dut enlever au moins une couche de maquillage avant de sortir de chez elle se rua vers la magasin, sans se soucier des gens qu'elle aurait put bousculer sur son passage. Instinctivement, Lilith fit un pas de côté pour éviter la collision, mais elle n'avait pas aperçu que quelqu'un d'autre se tenait de l'autre côté. La sorcière réussit à retrouver un semblant d'équilibre avant de se retrouver sur le sol, mais sous le choc échappa sa boîte de friandises dans la boue avec son sac. Avec une poignée de jurons, moldus et sorciers, la voyante s'accroupit pour récupérer ses affaires et voir si elle pourrait peut-être sauver quelques bonbons et repoussa violemment son capuchon qui l'empêchait de voir l'étendue des dégâts.

Cela faisait deux ans. Deux ans que je n'étais pas retourné à Pré-au-lard. Deux ans que je n'avais jamais osé m'approcher aussi près de Poudlard. Après l'irruption du père de Lilith dans le parc de Poudlard, ce fameux mois de Décembre, j'avais agi instinctivement, comme on m'avait jadis appris à le faire. Mais cette fois-ci, j'avais contourné les règles. Ce qui importait était désormais l'amour et j'en étais certain. D'une certaine manière, je serai toujours redevable et à Albus Dumbledore et à Lord Voldemort. Mais j'avais préféré, vraisemblablement, protéger le peu qu'il me restait. Le surlendemain de l'évènement, je suis allé voir Dumbledore dans son bureau et lui ai annoncé ma démission. Le vieil homme n'a pas semblé surpris un seul instant, bien que je ne comprenais pas comment il n'aurait pas pu l'être au fond. Il ne m'a pas demandé le pourquoi de ma démission. Puis il a annoncé que Poudlard me regretterait. C'était peut-être vrai. En tout cas, aujourd'hui, je regrette Poudlard. Après l'avoir salué, j'étais alors allé dans ma chambre, j'avais rassemblé mes affaires, couru jusqu'à Pré-au-lard et transplané. Je n'avais pas dit au revoir à Lilith, je ne l'avais pas même informé de mon départ. J'avais l'impression que je partais comme un voleur, mais c'est bien ce que j'étais désormais : un fugitif, et je devais assumer mes actes. Autant dire que je n'osai pas remettre en main propre au Seigneur des Ténèbres ma lettre de démission. Je n'osai pas lui avouer, tout simplement. On ne quittait pas les mangemorts. On les servait jusqu'à la mort. Et pourtant, il a bien fallu que je parte. Peu de personne ont été informés de mon départ. Rodolphus, évidemment. Artemis aussi. C'étaient les mangemorts en qui j'avais toujours eu le plus de confiance. Et pourtant ! Je n'aurais rien du leur dire car le Seigneur des Ténèbres s'est très vite mis à mes trousses. Oh ! bien sûr, ils ne m'avaient pas vendu. Ça, non, ils ne l'auraient jamais fait. Mais lorsque je commençais à manquer au bataillon, c'est bien évidemment vers eux que Voldemort s'est tourné. Et ils ont subi les conséquences de leur silence. Je préfère ne pas avouer que c'est en partie ma faute, j'en ai assez gros sur le coeur ainsi. Vampires, fidèles ou mangemorts confirmés ; Voldemort avait franchement de quoi me ramener à la "maison" s'il l'avait voulu. Mais ses indications avaient été toutes autres lorsqu'il sut enfin que j'étais celui qui avait tué Somers. Ses sbires n'avaient qu'une seule consigne : me tuer. Heureusement pour ma peau, je pus semer ou éliminer les rares qui réussirent à me dénicher là où il fallait, sans vouloir me jeter des fleurs. Une rage m'animait, peut-être celle de vouloir vivre.

Avant de quitter Poudlard pour de bon, j'avais laissé quelques recommandations à Dumbledore. Même s'il était du camp opposé - bien qu'à l'instant où je lui dictai mes consignes, je n'en avais plus vraiment l'entière confirmation -, c'était quelqu'un qui s'était toujours montré fair-play et respectueux. Je lui demandais, comme "dernières volontés", de veiller sur Lilith et surtout de me remplacer par quelqu'un d'encore plus qualifié que moi pour ce poste. Je lui avais laissé l'adresse de Tyreese Grimes, en lui ajoutant qu'il s'agissait d'un vieil ami à moi, & il s'était empressé d'aller le solliciter. J'imagine qu'il a été fort étonné lorsqu'il comprit que je pouvais me lier d'amitié avec un "sang-de-bourbe". Quoiqu'il en fût, d'après les dernières rumeurs, Tyreese aurait accepté le poste, bien qu'il n'eut pas conquit le coeur de McGonagall.

Je repensais au "bon vieux temps", déambulant, seul, dans les rues de Pré-au-lard. J'avais longtemps réfléchi avant de venir par ici. C'était le lieu le plus proche de Poudlard et aussi le plus facile pour se distraire à la vue de certains. Mais finalement, j'en avais conclus que les mangemorts, s'ils devaient fouiller la zone, l'avaient fait depuis bien longtemps et que l'endroit était trop proche de l'Ordre du Phénix pour que les ténèbres ne s'y aventurent. J'avais tout juste trente-et-un ans et je ne ressemblais à rien. J'étais dans un état piteux, pire qu'un clochard. Je n'avais pas pris de bain depuis des lustres, je me nourrissais depuis trop longtemps de ce que je pouvais bien trouver dans les rues. Mes cheveux étaient sales, mes dents jaunes, mon visage boursouflé et ensanglanté. Je marchais sans aucun but précis, faisant fuir les sorciers autour de moi, effarés par mon état. S'ils savaient qui j'avais été... Ils n'oseraient pas. Amèrement, j'observai la foule. Parfois, je pensais que ce n'était pas vraiment les né-moldus qu'il fallait exterminer mais bel et bien les sorciers. Y'avait pas à dire, un connard était un connard, qu'il soit moldu ou sorcier. Et justement, Pré-au-lard en était rempli en cette belle après-midi - de connards, pas de moldus. Des gens hautains qui me regardaient du coin de l'oeil, comme on regard un animal blessé, mais sans avoir le courage de lui porter secours. Heureusement pour moi, j'allais tomber sur quelqu'un dont les intentions étaient toutes différentes. Ou plutôt aller tomber sur moi. Ou presque car, heureusement, elle se retint à la dernière seconde. Je ne savais quoi faire. Je tentai, en bredouillant. "Excusez-moi..." Je me retins de continuer. Elle ne m'avait de toute façon pas entendu, elle était trop affairée à récupérer les bonbons qui s'étaient échappé de leur emballage. Je n'osais continuer ma phrase de peur de l'indisposer ; j'avais eu affaire à trop de remarques cinglantes jusque maintenant. Une de plus n'était pas nécessaire. Toutefois, mon silence se brisa lorsqu'elle rejeta son capuchon en arrière pour dévoiler de belles boucles rousses. Des boucles rousses que je ne connaissais que trop bien, malgré le fait que cela faisait deux ans que je ne les avais plus vues. Ma voix changea alors subitement. Elle n'était plus hésitante, elle était grave, presque mélancolique. "Lilith ?" laissai-je tomber.

C'était complètement idiot d'être en colère pour une poignée de dragées que personne ne mangerait, Lilith s'en rendait bien compte, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Elle était fière de son coup, heureuse de pouvoir donner un petit quelque chose qui ferait plaisir à Katharine et maintenant c'était ruiné. Déjà que la gardienne voyait sa fille plus longtemps que Lilith elle-même, le fait que sa surprise pour la petite était ruinée fit presque monter les larmes aux yeux de la rousse. Elle voulait simplement faire plaisir à la petite, est-ce que c'était trop demander? Et pourquoi est-ce qu'elle s'entêtait à essayer de les sauver plutôt que de simplement retourner en acheter une autre boîte? Parfois il ne fallait pas chercher de logique à ce qu'elle pensait, surtout ses temps-ci. Elle ignora complètement les excuses de l'homme, ne remarquant à peine qu'il lui avait adressé la parole. C'était un petit talent qu'elle avait développé avec le temps, ça, que de bloquer ce que les autres disaient, les ignorer. Se concentrer sur sa poignée de bonbons rescapés lui semblait plus important que de converser avec un inconnu.

Toutefois, la sorcière ne put s'empêcher de relever la tête quand elle entendit son nom. Les probabilités que ce soit à quelqu'un d'autre qu'on s'adressait étaient très faible, si on prenait en compte que Lilith n'était pas le plus courant des noms. Elle n'était aucunement préparée à une telle rencontre. Elle ne remarqua même pas l'état misérable dans lequel l'homme était. Elle ne fut pas rebutée d'être si près de ce dernier. Elle fut surprise et presque hypnotisée par ces yeux bleus, perçants. Ces yeux qui la suivait partout dès qu'elle fermait les yeux, qui la tourmentaient et la rassuraient. Ses yeux. Le moment où elle comprit qui se tenait à ses côté, la voyante ne put s'empêcher de se relever brusquement et de mettre une certaine distance entre eux. Elle avait envie de rire, de pleurer, de hurler, tout en même temps, probablement. Après tout ce temps, elle s'était faite à l'idée qu'il était probablement mort, ou qu'il avait trouvé quelqu'un d'autre, ce qui expliquerait qu'il n'ait pas donné signe de vie. Et pourtant, il était là. Il était méconnaissable, mais elle savait quand même que c'était bel et bien lui. Elle n'avait jamais envisagé ce moment... ou en fait oui, mais dans ses rêves, ce n'était pas comme ça que le sorcier ferrait son apparition, et elle n'avait aucune idée quoi faire, quoi dire. Fallait-il qu'elle fasse quelque chose? Peut-être qu'il ne voulait plus rien à voir avec elle. Ça expliquerait son départ si brusque. À plusieurs reprise, elle essaya de parler mais aucun mots ne sortaient. C'est à peine si elle arrivait à inspirer et expirer convenablement.

«Je ... Tu ... » bafouilla-t-elle. Elle n'avait aucune idée quoi dire et restait immobile, son poing serré fermement autour des quelques dragées qu'elle avait secouru, comme si ça pourrait lui donner un certain avantage, comme si ça pourrait la sauver. Paradoxalement, durant ces deux dernières années, elle en était venue à détester autant qu'elle aimait Andrew. Elle le détestait de l'avoir laissée comme ça. Un simple hibou, ça n'aurait pas été trop demander! Mais au fond elle ne pouvait pas rester en colère contre lui très longtemps parce qu'elle finissait toujours par se morfondre en se rappelant simplement du contact de sa peau contre celle de l'ancien professeur et comment simplement ça pouvait effacer tout autres problèmes qu'elle avait. Présentement, elle ne savait plus comment agir. La partie d'elle qui le détestait voulait se mettre à hurler, à le frapper, et l'autre partie d'elle-même voulait juste se blottir contre lui malgré l'épaisse couche de crasse qui le recouvrait. N'arrivant pas à choisir, elle resta sur place, préférant voir ce qu'il ferrait.

Elle n'avait pas changé. Aucunement. Ses boucles rousses étaient les mêmes, ses traits et son visage aussi. J'aurais pu la reconnaître entre milles. J'aurais du la reconnaitre. A l'instant où ses yeux croisèrent les miens, je paniquai. Elle m'avait reconnu. Elle savait qui j'étais, malgré l'état dans lequel j'étais. Des sensations étranges me parcouraient. La première chose avait été de l'amour. Je n'avais qu'une envie : l'embrasser, et la prendre dans mes bras. La seconde sensation fût du dégoût. Pas du dégoût pour elle. Du dégoût pour moi. Je me ravisai de l'étreindre de peur du jugement qu'elle me portait. Puis vint une autre émotion : la honte. J'étais brusquement honteux de ne pas avoir donné de nouvelles et de l'avoir abandonné, alors que pendant deux ans je n'y avais presque pas pensé... C'est vrai que je ne lui avais jamais donné le moindre signe de vie. Je n'y avais pas même songé. Quelle regard aurait-elle sur moi désormais ? Maintenant que je n'étais, pour ainsi dire, plus que l'ombre de moi-même. Je l'avais abandonné. Elle aurait très bien pu se faire assassiner par des mangemorts entre temps. Et pourtant, j'avais choisi de l'éloigner de moi, pour la protéger au maximum. Elle avait toutes les raisons de me haïr. Toutes les raisons de m'en vouloir. Je pense qu'intérieurement, elle était tout autant déchirée que moi. Elle bredouilla quelques mots sans queue ni tête. Je ne lui en voulais pas vraiment d'être aussi peu éloquente. Je n'aurais pas fait mieux. Vraisemblablement, la situation nous étonnait fort tous les deux.

UC